C'est une stratégie de conte, celle de la répétition, un peu comme ceux qui ont plusieurs vies, ou comme l'histoire qui begaye...
Il était une fois une puce qui vivait avec son mari le poux, dans une petite maison, à l'écart du village. Ce poux était un poète, il appelait sa femme "petite reine". Quand à elle, elle l'appelait "grand seigneur".
Un jour, alors que lapuce chauffait le four pour cuire son pain, son mari arriva plein d'enthousiasme pour lui déclamer un nouveau poème. Hélas, son pied glissa, il tomba dans le feu et brûla tout entier. La puce se mit à crier et, de désespoir , elle s'arracha les cheveux. Le tamis, qui somnolait à côté, se réveilla en sursaut, et vit la tête de sa maitresse, luisante comme un caillou. Il demanda :
-Pourquoi la puce n'elle plus de cheveux ?
Elle répondit :
-La puce n'a plus de cheveux, parce quele grand seigneur est décédé.
Le tamis poussa un cri :
-Si la puce n'a plus de cheveux parce que le grand seigneur est décédé, alors moi, je n'arrêterai plus de rouler.
Et il se mit à rouler sur les chemins, dansles champs et sur les collines. Il roulait, il roulait, sans s'arrêter.
Le corbeau qui survolait une colline l'apperçut :
-Pourquoi le tamis n'arrête-t-il plus de rouler ? Lui demanda-t-il.
-Le tamis n'arrête plus de rouler, la puce n'a plus de cheveux, parce que le grand seigneur est décédé.
En entendant celà, le corbeau se mit à croasser, et dit : "Alors moi, je me déplumerai." Puis il se posa sur un figuier et enleva ses plumes l'une après l'autre.
En voyant celà, l'arbre fut intrigué :
-Pourquoi le corbeau est-til déplumé ? Demanda-t-il.
-Le corbeau est déplumé, le tamis n'arrête plus de rouler, la puce n'a plus de cheveux parce que le grand seigneur est décédé.
En constatant l'ampleur de drame, l'arbredécida de laisser tomber ses feuilles. Il se secoua et se retrouva tout nu bien avant l'automne.
Une jeune fille qui venait remplir son panier de figues s'étonna :
-Pourquoi les feuilles de l'arbe sont tombées ? demanda-t-elle.
-Les feuilles de l'arbre sont tombées, le beau corbeau est déplumé, le tamis n'arrête plus de rouler, la puce n'a plus de cheveux, parce que le grand seigneur est décédé.
La jeune fille fondit en larmes, et, pour participer au deuil, elle prit son couteau et se creva un oeil.
En la voyant ainsi arrangée, sa mère cria :
-Pourquoi l'oeil de la fille est-il crevé ?
-L'oeil de la fille est crevé, les feuilles le l'arbre sont tombées, le beau corbeau est déplumé, le tamis n'arrête plus de rouler, la puce n'a plus de cheveux, parce que le grand seigneur est décédé.
La mère poussa un hurlement, courrut prendre un couteau à la cuisine, et s'arracha les deux yeux.
le père qui rentrait du travail, vit l'état de sa femme et s'affola :
-Pourquoi la mère s'est-elle arraché les yeux ?
-La mère s'est arraché les yeux, l'oeil de la fille est crevé, les feuilles de l'arbre sont tombées, le beau corbeau est déplumé, le tamis n'arrête pas de rouler, la puce n'a plus de cheveux parce que le grand seigneur est décédé.
-Mais savez-vous au moins qui est le grand seigneur ? demanda le père.
-Non, répondirent la fille et la mère.
Le père, qui, en travaillant sont champ, entendait souvent la puce appeler son mari "grand seigneur", poussa un long soupir :
- Ce n'est qu'un poux ! Vous avez fait tout ce drame pour un pou ?
C'était un simple pou, c'est vrai. Mais c'était un "grand seigneur" quand même !