Autrefois, en Orient, on disait aux conteurs : "Dieu garde ta bouche"...
Dieu, garde ta plume...
Tenez bon les cèdres,
B I E N V E N U E C H E Z V O U S
Beyrouth, le 14 août 2006
Je n'ai de mon passé qu'une demi mémoire,
La moitié qui est femme et porte des enfants
Qui ne naîtront jamais, dont je connais l'histoire
Et qui chantent sans voix les comptines d'antan
Ils sont près de 350, les enfants surpris par la "pluie d'été", morts pour moi, entre deux treizièmes de mois (entre le 13 juillet et le 13 août), je n'ai pour eux que des fragments de prière, pour eux qui m'ont offert le plus précieux des présents.
Ils m'ont fait don de leur mémoire, une mémoire plus vaste que le visible. Ils m'ont révélé que le meilleur d'eux-mêmes était encore à naître, avec le meilleur de nous. Ils m'ont fait voir le Liban tel qu'ils l'ont enfanté. Je l'ai regardé et je l'ai aimé, plus rien ne m'est laideur de son humanité.
A quel âge une ville entre-t-elle dans sa puberté? Le sang que répand son ventre de temps à autre est-il un indice? Peut-elle enfanter sans douleurs? Ses collines sont-elles gonflées de lait maternel? Je suis à son chevet, guettant le moindre signe dans le marc de café, l’attente a goût de sel, de pierres et de sueurs d'été.
La vie au ralenti laisse passer les morts entre l'ombre et la nuit. Je n'ai qu'une prière qui cherche son orbite dans l'horlogerie du ciel.
Toi qui crois avoir une autre religion que la mienne, penses-tu pouvoir jouir de la lumière sans la partager? Si tu prends la ville tu n’auras pas ses morts, si tu prends la terre tu n’aura pas les étoiles, si tu prends ma vie tu n’auras pas mon nom.
Toi qui penses que nous avons tous la même religion, toi qui crois que les arbres prient le même Dieu que nous, appuie ton ombre sur la mienne, pose tes pieds sur mon chemin et tiens-toi au plus haut du monde.
Je ne désire du bonheur que le chemin qui y mène.
Il ne m’est prière que porte ouverte sur un ciel indivis.
Roger Assaf