Matt_ , pour moi c'était na ! guerre !
"Comment, ce pays est brisé de souffrances et tu oses plaisanter ?" m'ont dit une fois des esprits chagrins. Hé oui, je le ferai encore et toujours, et d'autant plus maintenant, en souvenir d'une nuit où des moutons à lunettes couvaient des oeufs explosifs, dans les fermes du côté de Chebaa.
Quand on m'a appris la guerre, elle avait déjà commencé. J'avais six ou sept ans, et je faisais des châteaux de sable avec Odile.
Odile avait une façon toute particulière de dire "NON !" en enfonçant le moignon de son bras gauche dans son seau de plage qu'elle ne voulait pas prêter. Sa main était restée quelque part sur une Montagne au Liban.
Alors, il a fallu m'expliquer. ça a commencé quand ? et ça va finir quand ?
ça n'allait pas rendre la main d'Odile, mais peut-être que, les autres enfants comprenants, ils n'auraient plus peur d'elle et de son moignon.
L'explication n'était pas simple... on a du me la livrer en plusieurs fois, et même encore aujourd'hui, il me semble que je n'ai pas tout compris.
Ma mère, racontait la guerre comme d'autres maman raconte cendrillon à leur fille. Elle me dit qu'on ne savait pas quand ça avait commencé. Peut-être en 1860 avec le massacre des chrétien par les Ottomans (non même aujourd'hui j'assume pas tout à fait). Peut être en 1810 avec Napoléon, et la concurrence que se livraient Français et Anglais pour l'influence dans la région.
Peut-être aux croisades, avec l'empire Latin et la prise de Saint-Jean-d'Acre.
Peut-être avec Alexandre le Grand.
Elle m'expliqua la Bande de Gaza, qu'elle appelait Le Couloir, avec la Montagne au bout, et la nation posée dessus, à la saveur unique et diverse comme un mille feuille à la fleur d'oranger.
Avec patience, on m'a expliqué que la guerre mondiale était terminée, terminée, non pas tout à fait : elle avait été remplacée par des guerre régionales, qui sont des guerres mondiales qui ne disent pas leur nom, vu que ce sont des guerres coloniales déguisées. Et après la guere régionale, venait la guerre civile. Cette drôle de guerre, pas comique du tout, qui coupait les familles, et poussait une population à se démolir elle-même.
ça finit quand ?
on ne sait pas, il faut attendre, mais pas sans rien faire, il faut apprendre pour chercher à comprendre... peut-être que si quelqu'un explique tout ça d'autres entendront et liront, et que ça s'arrêtera. C'était un jeu de patience. Et la patience j'en ai eu. Mon jeu préféré était de décalquer une feuille d'atlas, de la colorier, d'y inscrire les pays, de la découper, et je refaire le puzzlequi s'envolait au moindre souffle.
Comble de malchance, je n'avais pas un papy gateau, mais un papy Pasha, disparu ou mort depuis bien longtemps et qui en guise de masure en héritage, m'avait légué d'innombrables notes de géopolitique, plus pour apprendre le métier de roi, mais pour apprendre afin que tout ça s'arrête un jour.
Je continue à fiare des châteaux de sable avec Odile. J'apprends la guerre des six jours, et même, en direct, j'apprends la guerre du Kippour, et pendant cette dernière, j'apprends même à faire la guerre, me jurant à ne jamais avoir à me servir de cette science-là autrement que pour l'expliquer.
Odile est partie étudier dans une autre ville avec sa main unique.
J'ai appris à lire et à compter, et il faut que j'apprenne à écrire. Mon papy n'aimait pas trop les chefs de guerre, et pourtant il en était un. Alors, je suis devenue racontarde d'histoire. A force de manger des tonnes de livres et de journaux, je me suis fait un sang d'encre. "La plume est plus forte que l'épée" qu'il disait papy... misère, pourvu qu'il ait raison...
Quand je suis en train décrire dans ce post, je sens fondre sur ma langue de la purée de pois-chiche, et depuis, j'ai appris à mâcher des saladiers de persil-plat haché. Le pois chiche et le persil, c'est comme la guerre... il en pousse toujours dans la région.
Quand ça à commencé ?
C'est devant un bol de pois-chiche, qu'une petite chèvre aux yeux sombres m'a donné la solution, en m'apprennant à faire de la sémantique.
ça tient en trois mots :
Immortel, c'est ce qui a un début et pas de fin. La guerre a-t-elle eu un début ? Non, alors ce n'est pas ça.
Eternel, c'est ce qui n'a ni début ni fin. ça serait la seule solution qui reste. un peu comme une fatalité
Mais voilà, cette guerre ne se déroule pas en occident, mais en orient.
Alors, comme en orient, il y a un troisième mot, il y a une troisième solution, qui en arabe se dit sarmad. Sarmad, c'est une chose qui n'a pas de début, et qui a une fin.
Alors, j'espère que la guerre sera sarmad.
Je sais que le sarmad se cultive sur La Montagne, comme le poischiche et le persil-plat. ça ne fera pas repousser la main gauche d'Odile. Mais avec la mienne que j'ai encore, je me servirai de mon porte-plume comme plantoir, pour planter des graines de sarmad, et une petite chèvre, avec un joli arrosoir et un beau 18 collé dessus les fera pousser.
Bien à vous :)
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